REVUE DE PRESSE

Dans la jungle de l’esthétique : comment déjouer les pièges de l’esthétique et ne pas prendre de risque?

Le Point Août 2012

Par François MALYE et Jérôme VINCENT, journal « Le Point », chronique « Santé »

Il aura suffi au docteur Christian Marinetti de voir Jean-Claude Mas, patron de la société PIP, pour cesser immédiatement de poser ses prothèses mammaires frelatées. Avec son air pas très net, Mas détonnait dans cet univers du paraître qu’est la clinique de chirurgie esthétique Phénicia à Marseille.

 

Objet de ce premier entretien, plusieurs ruptures de prothèses mammaires subies par des patientes de la clinique opérées quelques années plus tôt. Nous sommes en avril 2008 et le scandale n’a pas encore éclaté : « La rupture d’implants, cela arrive, c’est le destin des prothèses, surtout quand les femmes ne les ont pas changées, ce qui doit être fait tous les dix ans », explique cet homme affable à la soixantaine élégante et qui, surtout, ne veut tirer aucune gloire d’avoir été le lanceur d’alerte de cette affaire. « Quand j’ai rencontré Mas, je me suis dit que quelque chose ne collait pas. J’ai cessé toute collaboration et nous sommes même allés rapporter toute sa livraison à son usine. Entre-temps, j’avais signalé ces incidents à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, comme c’est la règle. » Il sera le premier à le faire. Mais, rapidement, d’autres patientes sont victimes des prothèses dans lesquelles Mas a remplacé le silicone médical par de l’industriel. « Certaines n’avaient été opérées que depuis quelques mois.

 

Je les voyais arriver avec des réactions inflammatoires terribles : seins rouges, durs, chauds, parfois avec des ganglions sous les bras. » Durant deux ans, le docteur Marinetti va multiplier les signalements aux autorités sanitaires, sans que rien ne vienne, au point d’adresser plusieurs courriers recommandés à son directeur. De guerre lasse, une inspection est lancée et l’affaire éclate en juin 2010. Depuis, le docteur Marinetti a procédé à environ 250 explantations de prothèses PIP.

 

Autour de la clinique

 

La clinique Phénicia n’est pas classée dans le palmarès du Point : n’étant pas conventionnée avec la Sécurité sociale, elle ne transmet pas ses chiffres d’activité, indispensables à la rémunération des médecins dans un établissement conventionné, mais aussi essentiels à la réalisation de nos classements. Une évidence que le docteur Marinetti comprend parfaitement tout en soulignant la forte activité de son établissement, avec 1 500 patients opérés chaque année. Une demi-douzaine d’établissements de ce genre existe dans l’Hexagone. Fondée en 2001, la clinique Phénicia répond à toutes les normes de sécurité exigées par les autorités sanitaires : y opèrent 15 chirurgiens, mais, ici, les patients paient l’intégralité des soins – les honoraires des médecins, chirurgiens et anesthésistes, ainsi que les frais d’hospitalisation de la clinique, c’est-à-dire la société du docteur Marinetti et de son associé, Bernard Dupont, anesthésiste.

Une affaire qui tourne bien, puisque, avec 24 salariés, elle réalise chaque année 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires et qu’elle est en cours d’extension sur près de 1 500 mètres carrés. Les agents hôteliers y côtoient le personnel soignant, tous étrangement beaux, dans un décor de bois et de luxe, situé en plein coeur de la cité phocéenne. Rien d’ ostentatoire, mais on imagine le succès de la chirurgie esthétique dans cette immense cité de bord de mer, bouillonnante et exhibitionniste. « Même l’affaire PIP n’a pas ralenti notre activité », reconnaît Christian Marinetti. Un boulet a quand même récemment sifflé aux oreilles des praticiens de l’esthétique, avec le projet d’une TVA à 19,6 % sur leurs actes, leur rappelant que leur discipline, en pleine expansion, est une cible fiscale idéale.

 

Quant à Jean-Claude Mas, avec son cynisme tranquille, il aura remis sur le devant de la scène les dangers de cette discipline, qui a toujours été propice à l’éclosion de ce genre de scandales. Au-delà, l’affaire aura également donné un coup de projecteur peu rassurant sur la réglementation des dispositifs médicaux, catégorie à laquelle appartenaient ses prothèses mammaires trafiquées. Déjà, dans les années 90, un vent de panique avait soufflé dans le monde avec les craintes liées à la silicone contenue dans des prothèses mammaires.

Au début des années 2000, en France, c’étaient les accidents opératoires à répétition qui faisaient l’actualité dans cette jungle où pouvait sévir un Michel Maure, ce chirurgien qui faisait beaucoup de dégâts chez ses patientes dans son réduit marseillais après les avoir anesthésiées à coups de Valium.

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