Par Lionel MODRZYK, journal « La Provence »
« Street workout », culturisme, chirurgie esthétique… Gros plan sur ces Marseillais amoureux de leurs corps et de leur image
Bakary, 19 ans, se tient droit comme un I, suspendu en l’air, perpendiculaire à un simple poteau de bois, auquel il s’agrippe avec une facilité déconcertante. Bas de survêtement noir, torse nu, énorme casque sur les oreilles, il enchaîne ensuite une série de 20 tractions, découpant magistralement ses mouvements, corps gainé et muscles saillants.
Comme des dizaines de jeunes marseillais, et comme des milliers d’autres dans le monde, ce sportif venu en bus depuis Félix-Pyat (3e) pratique le Street-Workout. Un phénomène apparu dans les années 90, dans les quartiers populaires des États-Unis, et qui aujourd’hui fait fureur. Le concept : se muscler à l’air libre, n’importe où, et avec à peu près n’importe quoi. Un tronc d’arbre, un banc, un poteau…
Le narcissisme inhérent à la musculation
« Déjà, ça ne me coûte rien, alors qu’à la salle de sport, je payais40 euros par mois. Et puis j’avais un peu l’impression d’être enfermé. Là, on est entre potes, et puis parfois, les filles s’arrêtent pour nous regarder », s’amuse Bakary.
Le narcissisme inhérent à la musculation n’est jamais bien loin, à tel point que lorsqu’il s’entraîne, ses amis dégainent leurs smartphones afin d’immortaliser la scène, et ensuite la poster en vidéo sur Youtube. « Il y a une petite compétition qui s’est installée entre les street-workers des autres villes, c’est à celui qui fait le plus de vues ! Mais attention, on s’entraîne dur. Parfois, on arrive à peine à marcher pour rentrer chez nous », poursuit le jeune homme.
Le parc Borély, connu pour être le spot idéal des amoureux et des promeneurs, prend donc des allures de Venice Beach, ce quartier de l’Ouest de Los Angeles, surnommé « Muscle Beach » car les culturistes s’y entraînent 24h/24h, en plein soleil, sous les yeux ébahis des touristes. La comparaison n’est pas si exagérée. Alors autant l’élargir !
Culte du corps et de l’apparence
Marseille rivalise-t-elle avec ces villes de la West coast américaine, où les habitants ont le culte du corps, et sont prêts à tout pour garder une apparence juvénile et tonique ? La cité phocéenne tend-elle à devenir, progressivement, une cousine de Miami ou LA, en matière de culte du corps et de l’apparence ?
Les exemples les plus médiatiques tendent à penser que oui. Dans l’émission de téléréalité « Les Marseillais à Rio », les Phocéens sont représentés comme des éphèbes imbus d’eux-même et friands de fringues haute-couture, et les Phocéennes comme des bimbos qui ont passé plus de temps devant le miroir que sur les bancs du lycée.
Rien à voir avec leurs homologues « Ch’ti », de la série du même nom, beaucoup moins bien bâtis et sacrément pâlots…
Chirurgie esthétique : une « spécificité marseillaise »
Le Docteur Bernard Dupont est le directeur de la clinique Phénicia, établissement spécialisé en chirurgie plastique, qui a vu le jour en 2001 rue Locarno (5e). Face à une affluence « très importante », il a engagé d’importants travaux pour doubler la superficie de sa clinique, qui s’étend aujourd’hui sur 3 000 m².
Pour ce praticien expérimenté, il existe bien une « spécifié marseillaise, ou plus généralement, sudiste ». « Ici, le corps prend une plus grande importance. Dans le Nord, les gens sont plus soucieux de la partie ‘visage’, alors qu’ici, on nous demandera plus des implants mammaires, ou une lipoaspiration.
De nombreuses femmes font ça par coquetterie, voire par caprice. Avec la météo, la saison estivale, elles s’exposent forcément plus qu’à Lille ou Strasbourg ! La dysmorphophobie, ou crainte obsédante d’être laid, est plus présente. On est dans la recherche du petit plus esthétique qui fait la différence », détaille le Dr Dupont. Parmi ses patients, près de 20 % sont des hommes. Souvent exposés au public, comme des commerciaux, des cadres fringants, désireux de le rester le plus longtemps possible.
« Ca va jusqu’à la soixantaine. Pour la plupart, il s’agit de lifting du visage », précise le directeur de la clinique Phénicia.